Migraine ou céphalée ?
Dans le Petit Robert, le mot « migraine » a deux significations : « Douleur intense qui affecte généralement un seul côté de la tête, qui survient sous forme de crises et s’accompagne de nausées » et, par extension populaire, « mal de tête ». Seule la première définition est acceptable pour le neurologue mais rien ne garantit à ce dernier, lorsqu’un patient lui dit « j’ai la migraine » que ce soit bien d’une migraine qu’il s’agit.
Une société savante dénommée « International Headache Society » a répertorié les différents types de céphalées (synonyme de « maux de tête »). Deux grandes catégories émergent : les céphalées « primaires » et les céphalées « symptomatiques ».
Les céphalées « symptomatiques » sont celles dans lequel le mal de tête constitue un symptôme d’une autre pathologie, neurologique ou non. Il en existe des dizaines de causes : traumatisme crânien ou cervical, hypertension artérielle ou intracrânienne, médicaments, pathologies ophtalmologiques ou ORL, infections virales comme, par exemple, une simple grippe ;
Les céphalées « primaires » sont celles qui ne s’expliquent pas par une autre pathologie. Il n’y en a que quatre types mais ce sont celles qui concernent l’immense majorité des patients.
Les céphalées « primaires »
Les céphalées « primaires » se répartissent en quatre catégories : migraines, céphalées de tension, algies vasculaires de la face et « les autres ».
Migraines et céphalées de tension se taillent la part du lion puisque la migraine concerne 12% de la population (6% chez l’homme, 18% chez la femme) et que 30 à 78% de la population générale a présenté ou présentera à un moment quelconque de sa vie une céphalée de tension. Ces chiffres peuvent paraître énormes et pourtant, demandez à 20 de vos amis qui parmi eux n’a jamais eu un mal de tête de sa vie, vous ne verrez pas davantage qu’un ou 2 doigts se lever !
Migraines et céphalées de tension correspondent à des tableaux cliniques différents :
· les migraines sont de « sales maux de tête », aggravés par les efforts, le plus souvent unilatéraux, pulsatiles, accompagnés de nausées ou de vomissements, souvent d’une intolérance aux bruits, lumière, odeurs, incompatibles avec toute activité ;
· généralement plus supportables, les céphalées de tension sont bilatérales, comparées à un étau, elles ne sont que rarement accompagnées de nausées et, hormis une intolérance au bruit, on ne note souvent pas l’intolérance à la lumière ou aux odeurs.
Les mécanismes sous-tendant migraines et céphalées de tension sont différents. Les migraines correspondent à un phénomène vasculaire, avec prédisposition génétique, sous influence hormonale (expliquant que les femmes soient 3 fois plus fréquemment affectées). Les céphalées de tension constituent la conséquence de tensions musculaires au niveau des muscles entourant le crâne. Très important, migraines et céphalées de tension sont toutes deux amplifiées et pérennisées par le stress, expliquant que dans de nombreux cas, les céphalées primaires sont mixtes, à la fois migraines et céphalées de tension.
Les médicaments, oui mais …
Le traitement des céphalées peut viser le court, le moyen et le long terme.
A court terme, il y a les médicaments antidouleurs (aspirine, paracétamol, anti-inflammatoires, triptans) : ils doivent être prescrits car il est inacceptable de laisser le patient souffrir mais, si les céphalées sont fréquentes, le traitement ne reposera jamais uniquement sur ces traitements médicamenteux, d’autant plus que leur usage prolongé peut, paradoxalement, être source de maux de tête (« céphalées par abus d’antalgiques »).
A moyen terme, il y a les « traitements de fond » (vitamine B2, bêtabloquants, antiépileptiques, antidépresseurs) : ils préviennent les maux de tête (et donc diminuent la nécessité des traitements symptomatiques) mais ne constituent pas des solutions. Il ne s’agit généralement que de « rustines » dont l’efficacité est limitée à la période d’administration … et ils ne sont pas dépourvus d’effets secondaires.
La seule manière de diminuer à long terme la fréquence des céphalées est d’agir sur les facteurs qui les déclenchent ou les favorisent (par exemple, changement de pilule, traitement des asymétries posturales) et donc, avant tout, d’identifier ces facteurs, raison pour laquelle nous invitons le patient à tenir un agenda des maux de tête. Le rôle essentiel du stress explique que, très souvent, le traitement à long terme des céphalées primaires repose sur la gestion du stress, avec l’aide d’un(e) psychologue, en collaboration avec le patient à qui l’on aura fait comprendre les enjeux du traitement.
Moyennant ces approches, les maux de tête sont tout sauf une fatalité.
Pr Jean-Michel Guérit, neurologue, Cavell