Les maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) ne sont pas rares chez les enfants. Leur incidence et leur prévalence sont en augmentation. Le Dr Assaad Salamé, gastro-pédiatre qui vient de rejoindre la Clinique de la Basilique, plaide pour une prise en charge précoce et adaptée grâce à une bonne connaissance des maladies par le grand public et une collaboration avec le médecin traitant, le pédiatre, le gastro-pédiatre, la diététicienne et le psychologue.
Le Dr Salamé plante le décor : « Près de 25% des patients souffrant de MICI sont diagnostiqués avant l’âge de 20 ans. L’incidence et la prévalence de ces maladies ont nettement augmenté ces dernières années au niveau mondial, y compris chez l’enfant et l’adolescent. On est ainsi passé de 2 à 5/100.000 enfants par an, avec nettement plus de Maladie de Crohn (MC) que de Colite Ulcéreuse (CU). La MC touche davantage les garçons tandis que la CU affecte plus les filles ».
Etiologie encore imprécise
Il y a eu beaucoup de progrès dans la compréhension des MICI ces dernières années, mais leur étiologie reste toutefois peu claire. « La prédisposition génétique joue un rôle important. A celle-ci viennent s’ajouter des facteurs déclencheurs comme une infection, des toxiques ou encore la flore intestinale, ce qui entraîne alors une réponse immune anormale au niveau de la muqueuse intestinale, qui provoque une libération des médiateurs de l’inflammation de l’intestin, et donc de la diarrhée. Mais on ne connaît pas encore tout le mécanisme », relève Assaad Salamé.
Des premiers signes différents
Les premiers signes de la MC et de la CU ne sont pas les mêmes. « Certains symptômes initiaux de la MC sont plus souvent présents chez l’enfant que chez l’adulte, notamment la perte de poids, la fièvre et les lésions au niveau de la marge anale tandis que le signe majeur de la CU est la rectorragie. Parmi les autres symptômes de la MC, on retrouve des douleurs abdominales récurrentes dans 60% des cas, des diarrhées dans 50 à 70% des cas et un retard staturo-pondéral chez près de 30% des patients », indique le gastro-pédiatre.
Prise en charge adaptée nécessaire
Il est extrêmement important, aux yeux du Dr Salamé, de traiter l’enfant ou l’adolescent de façon adaptée, avec un gastro-pédiatre et de manière multidisciplinaire (diététicienne, psychologue,…), d’autant que chez les adolescents, un retard de croissance et un retard pubertaire peuvent être à la base de problèmes d’image de soi et d’isolement social. De plus, la surprotection des parents peut parfois entraîner un manque de compliance au traitement.
L’ostéoporose guette…
« Hormis les symptômes digestifs, il convient de suivre les patients atteints de la MC sur d’autres plans et d’être à l’affût d’atteintes oculaires, cutanées, hépatiques ou encore osseuses », ajoute Assaad Salamé. « En effet, ces enfants sont souvent atteints de malnutrition et donc d’ostéopénie avec des carences en vitamine D, en calcium et en fer, d’où l’intérêt de les supplémenter dès la pose du diagnostic. »
L’endoscopie : le gold standard
« Le premier examen à réaliser en cas de suspicion d’une MICI est une biologie sanguine à la recherche de troubles hématologiques, de troubles hépatiques, de carences vitaminiques, d’un syndrome inflammatoire pour la MC ainsi que de certains marqueurs (des ASCA élevés pour la MC et des ANCA élevés pour la CU). Ensuite, l’échographie abdominale – très intéressante dans le suivi – est de plus en plus utilisée, mais le gold standard demeure l’endoscopie haute et basse, que l’on effectuera toujours sous sédation chez les enfants », indique le Dr Salamé.
Traitement
Le but du traitement est d’obtenir une rémission permanente permettant une croissance, une puberté et une vie quotidienne la plus normale possible avec un traitement le moins agressif possible. Le choix du traitement dépend de l’état nutritionnel de l’enfant, de son âge, de la nature et de l’extension des lésions inflammatoires, de la durée et du mode et du mode d’évolution de la maladie et du traitement antérieur.
Selon la maladie, la stratégie thérapeutique sera différente. « Chez les enfants atteints de la MC, la prise en charge nutritionnelle est essentielle. Elle poursuit un double objectif : prévenir ou corriger le déficit énergétique et les carences nutritionnelles spécifiques et être une alternative efficace à la corticothérapie. La mise au repos du tube digestif pendant 8 semaines avec une diète élémentaire polymérique (Modulen®) a prouvé son efficacité. Elle est à privilégier si l’enfant l’accepte. L’azathioprine (Imuran®), immunosuppresseur, doit être instauré comme traitement de fond. De plus, des corticoïdes (2mg/kg) peuvent être administrés en cas de poussées ou de rechutes. Et si cet arsenal n’est pas suffisant, il faudra passer à une thérapie biologique anti-TNF » , explique le gastro-pédiatre.
« Par contre, pour la CU, il est utile de commencer par la mésalazine associée à des corticoïdes si nécessaire. Les immunosuppresseurs viendront seulement par la suite si besoin et en cas d’échec, la thérapie biologique sera proposée », conclut le Dr Salamé.