Le grand public est en train de découvrir que les hépatites virales et l’alcool ne sont pas les seules causes de cirrhose mais aussi le foie gras (stéatose) sans consommation significative d’alcool, appelé NAFLD en anglais (Non Alcoholic Fatty Liver Disease).
Cette stéatose peut, à long terme, créer une inflammation chronique au niveau du foie. Dans ce cas, on parle de NASH (stéatohépatite non-alcoolique) comparable aux lésions liées à l’alcool et entrainer une fibrose. Comme beaucoup d’hépatopathies, la NASH est une maladie qui progresse silencieusement et qui, même au stade de cirrhose, peut passer inaperçue…
En Europe et en Belgique, on estime que 25 % de la population générale est atteint d’une stéatose hépatique liée à une surcharge pondérale et on suspecte que, dans 10 % des cas, les patients vont développer une fibrose. Un pourcentage non négligeable de ces patients va développer une cirrhose associée à un risque significatif de développer des hépatocarcinomes (voir figure 1). Dans un futur proche, la NASH sera la première cause de transplantation dans les pays occidentaux.
Il est, par ailleurs, désormais prouvé que les patients atteints de NASH ont une mortalité plus élevée, surtout liée aux complications cardiovasculaires mais aussi hépatiques lorsque les patients présentent une fibrose sévère.
On connaît bien les facteurs de risques de NASH que sont : le syndrome métabolique, un régime riche en sucre (surtout en fructose) et la sédentarité qui joue un rôle important. Par définition, les patients atteints de NASH ne consomment pas d’alcool ou un taux d’alcool modérée (< 20 g/jour pour les femmes, < 30 g/jour pour les hommes).
Le diagnostic de stéatose repose, dans la grande majorité des cas, sur des moyens simples et non invasifs comme l’échographie ou le scanner abdominal. Comme pour la plupart des hépatopathies, c’est le degré de fibrose hépatique, en dehors du risque cardio-vasculaire associé qui est le facteur pronostique le plus important dans cette maladie. Le gold-standard du diagnostic de NASH reste la biopsie qui est invasive, coûteuse et associée potentiellement à des complications significatives. Pour le moment, il n’existe pas de marqueur non invasif pour le diagnostic de NASH mais des études sont en cours.
Par contre, il existe différentes moyens non invasifs d’évaluation de la fibrose et même de la stéatose, soit par des calculs avec des marqueurs biologiques (Score FIB-4, NAFLD fibrosis score) ou par des techniques basées sur l’élastographie comme le Fibroscan® (voir figure 2). La technique la mieux évaluée et la plus reproductible dans la NASH reste le Fibroscan®, utilisée depuis 20 ans, et disponible en Belgique depuis 2007 au Chirec sous l’impulsion du Dr Philippe Langlet, l’un des pionniers de cette technique dans notre pays.
Depuis l’ouverture du nouvel hôpital Delta on dispose en consultation de gastro-entérologie d’un Fibroscan® de dernière génération – également disponible sur le site de Braine-l’Alleud – qui nous permet d’évaluer chez le patient, en quelques minutes, à la fois le degré de stéatose via un nouveau module (CAP : controlled attenuation parameter) et le degré de fibrose hépatique. On dispose également de deux sondes, une pour les patients avec une corpulence normale et une sonde XL indispensable chez des patients obèses. La disponibilité de cet outil en consultation d’hépatologie nous permet, avec l’interprétation des autres données cliniques, de guider le patient et son médecin référent dans la prise en charge la plus optimale et la moins invasive possible des patients souffrant de maladies hépatiques.
Quand proposez un Fibroscan® chez un patient avec NAFLD?
Il est conseillé de faire un Fibroscan® chez des patients avec un syndrome métabolique, chez des patients diabétiques avec une hypertension artérielle, chez des patients avec une obésité morbide et chez des patients avec des antécédents d’accident ischémique cardiovasculaire lorsque les tests hépatiques sont perturbés.
Quel traitement?
A ce jour, il n’existe pas de traitement approuvé pour le traitement de la NASH. Des études avec des médicaments prometteurs sont en cours et on attend avec impatience leurs résultats. La première chose à proposer aux patients avec NAFLD est de perdre du poids, car il est démontré qu’une perte de 10 % de son poids corporel peut entrainer une régression de la fibrose hépatique. Une prise en charge et un suivi diététique est indispensable. On propose un régime de type méditerranéen et une réduction de la consommation des hydrates de carbone (fructose).
Il est nécessaire par ailleurs de motiver le patient à reprendre une activité physique (par exemple 2x1h/ semaine d’exercices aérobies). Une approche multidisciplinaire est primordiale compte tenu des problèmes cardiovasculaires, diabétiques et de dyslipidémies souvent associés. Le médecin traitant joue, à cet égard, un rôle important dans cette prise en charge multidisciplinaire du patient avec NAFLD.
En ce qui concerne les traitements médicamenteux, la Vitamine E à la dose de 400 mg reste une option chez une petite portion des patients atteints de NASH.
Des traitements utilisés dans le diabète, les analogues du GLP-1, comme le liraglutide et le semaglutide, montrent des résultats encourageants. Ces médicaments, approuvés dans l’indication de perte de poids et donc utiles dans le traitement du syndrome métabolique, doivent encore être approuvés et éventuellement remboursés pour le traitement « strictu sensu » de la NASH. Ils peuvent cependant être utilisés après discussion avec le patient compte tenu des effets favorables sur la stéatose et la perte de poids. Des études à plus large échelle sont en cours dans nos hôpitaux notamment pour évaluer l’impact sur la fibrose hépatique qui est le facteur pronostic principal des hépatopathies.
En conclusion, la maladie dite « NASH » doit être recherchée systématiquement et avec rigueur chez des patients avec des facteurs de risques car elle est souvent asymptomatique. Le Fibroscan® joue un rôle important dans la prise en charge permettant d’évaluer rapidement et de manière reproductible et à bas coût le degré de fibrose hépatique. Une prise en charge multidisciplinaire de cette pathologie est incontournable.
Dr Jonas Schreiber
Gastro-entérologue, CHIREC – site Delta
Dr Philippe Langlet
gastro-entérologue, CHIREC – site Delta
Lire aussi:
– Reflux: quand la PH-impédancemétrie œsophagienne s’impose
– Revue pratique d’un syndrome fréquent: le côlon irritable (IBS)
– Echoendoscopie interventionnelle: «une technique en pleine évolution»
– La Vidéocapsule endoscopique du grêle: pour qui, pour quoi ?
– MICI: vers une voie de soin multidisciplinaire et multi-sites au CHIREC