Veronica Mendez-Mayorga: «vivre son cancer en pleine crise du Covid-19 ne facilite pas les choses!»

Radiologue-sénologue et responsable de l’imagerie du sein au Chirec, elle a été atteinte elle-même d’un cancer du sein. Elle  témoigne de son expérience.

«La crise sanitaire est survenue à un moment très particulier, pendant ma chimiothérapie. La petite histoire retiendra que j’ai été dépistée dans le cadre d’une étude clinique que nous venions de lancer, une étude qui tend à démontrer la plus-value d’un dépistage axé sur les facteurs de risque de chaque personne individuellement, plutôt que simplement basé sur un critère d’âge. Au vu de la pertinence de cette démarche, je souhaitais être la première inscrite. Grâce à cet examen, un cancer du sein a immédiatement été diagnostiqué. Lors du diagnostic, j’étais très entourée, et suis restée calme , acceptant d’emblée la situation et prenant les choses en main rapidement avec l’équipe médicale», explique Veronica Mendez-Mayorga.

«Très vite, j’ai été prise en charge par une équipe pluridisciplinaire qui a pu me rassurer. Je me suis sentie en confiance, non seulement grâce au professionnalisme de cette équipe, mais aussi grâce à la qualité des traitements qui donnent une perspective positive de ce cancer, dont on peut guérir. En effet, une fois dépisté à temps, de nombreux cancers ont de bons pronostics».

«De plus, j’allais pouvoir explorer cette maladie en étant de l’autre côté du miroir», poursuit la radiologue-sénologue. «Cela m’a permis d’avoir une autre vision du cancer du sein. En effet, je pourrais dès lors en faire bénéficier mes patientes lors de la reprise de mon activité professionnelle. Je misais beaucoup sur les structures d’accompagnement physique et psychologique, telles que proposées par l’association Re-Source. Le paradoxe c’est que malheureusement je n’ai pas pu en bénéficier pleinement. 

Avant le Covid, j’étais très entourée par mon mari, ma famille, mes amis, Re-Source… Dès la mise en vigueur de la phase de confinement, l’ensemble de la population a été contrainte de suivre les recommandations et d’appliquer les gestes barrières. Ceci était d’autant plus important pour les personnes à risque, tels que les patients oncologiques, qui ont été surveillés de près. Nos contacts sociaux et physiques étaient réduits au minimum. Si les infirmières restaient évidemment présentes et faisaient le maximum pour nous entourer, nous n’avions plus accès à un kinésithérapeute, à une psychologue, à d’autres aides. Toutes les structures ont été suspendues à cause de cette crise sanitaire. Personnellement, je ne pouvais même pas avoir de contact physique avec mon oncologue, je ne pouvais pas être approchée, touchée, j’étais frustrée de ne pouvoir échanger, parler en direct comme on le fait lors d’une consultation classique».

Privée de contact visuel et physique
L’hôpital a pourtant très vite mis en place des moyens de substitution pour que les oncologues puissent être joignables. «C’était le mieux que l’on puisse faire dans ce contexte particulièrement difficile, mais moi qui suis très dans l’affectif, dans le psycho-social, j’ai dû retomber sur mes pattes. Des solutions via Zoom et WhatsApp, c’est bien, mais ça ne remplace pas le contact réel. J’ai donc dû m’adapter, comme tous les patients en oncologie».

Au point de souffrir de la solitude? «En quelque sorte, mais on s’adapte!  Le contact visuel et physique avec les autres m’a beaucoup manqué, comme celui de mon oncologue, de mon kiné, de toute l’équipe médicale,… Je n’ai pu bénéficier de massages, de cours de revalidation, … Toucher, voir, entendre, parler font aussi partie de la guérison et, en tant que patients atteints du cancer, nous en avons été privés en partie.»

Choisir pour le reste de la vie
Que retirer de cette expérience étrange? «Je suis quelqu’un de très positif et de résilient. Je me dis que c’est une corde en plus à mon arc, que c’est une chance d’avoir ce type de cancer avec un dépistage et un diagnostic rapides et efficaces. Même si j’en avais déjà beaucoup, j’aurai encore davantage de compassion envers mes patientes. Malgré mes 30 ans d’expérience, le fait de passer par là m’a appris énormément. Aujourd’hui, je sais. Cette maladie nous affecte dans notre corps et dans notre esprit. Elle nous donne de nouvelles perspectives, elle nous apprend à relativiser beaucoup de choses dans la vie quotidienne».

Mieux combattre la maladie? «La méditation de pleine conscience, que je pratique depuis de nombreuses années, et qui fait partie intégrante des approches de l’asbl Re-Source, nous permet de mieux vivre la maladie ainsi que les effets secondaires des traitements». Pour ce médecin, l’amélioration de la prise en charge des patients oncologiques passera par une optimalisation de la communication entre médecin et patient, afin que celui-ci devienne un acteur à part entière de son traitement et soit davantage associé aux choix posés au fil du temps. De plus, la compassion envers les patients reste un élément essentiel.

Comme patiente, le Dr Veronica Mendez-Mayorga a vu son équipe prendre la relève, lui permettre de mettre sa vie entre parenthèses et de réfléchir à de nouveaux projets. «Me retrouver de l’autre côté de la barrière m’a permis d’apprécier la gentillesse, la bienveillance et la compétence du personnel soignant et de l’équipe médicale dans un contexte particulièrement difficile».

CMJN de base

 

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