Le cancer de l’ovaire représente la première cause de décès par cancer gynécologique. Le mauvais pronostic de ce cancer est notamment dû au diagnostic porté généralement à un stade avancé. Le traitement repose sur l’association d’une chirurgie complète et d’une chimiothérapie intraveineuse (IV) à base de platine et de taxane. Malgré un très fort taux de réponse initiale, la survie à 5 ans reste médiocre de l’ordre de 20 à 30%. Les patientes décèdent en général de l’évolution locorégionale de la maladie sous forme de carcinose péritonéale alors que la diffusion métastatique en dehors du péritoine est beaucoup plus rare.
Cancer de l’ovaire droit (1) avec métastases péritonéales: Sur les parties déclives de l’abdomen (2), contre le diaphragme (3) et sur l’épiploon (4)
Cet échec péritonéal a motivé le développement de chimiothérapies intrapéritonéales (IP) postopératoires normothermiques via des cathéters laissés en place après cytoréduction complète. La posologie de la chimiothérapie IV étant limitée par la toxicité, la voie IP avec son faible passage plasmatique permet l’utilisation de doses beaucoup plus importantes. Trois essais randomisés ont été publiés mettant en évidence un bénéfice en termes de survie en cas de chimiothérapie IP par rapport au traitement standard. Malgré ce bénéfice, le développement de la chimiothérapie IP a été freiné notamment par les adhérences post-opératoires limitant la répartition des drogues et le taux élevé de complications liées au cathéter.
La chimiothérapie hyperthermique intrapéritonéale (HIPEC/CHIP) est administrée en peropératoire. Elle permet comme la chimiothérapie intrapéritonéale postopératoire une très haute concentration intrapéritonéale. En plus, elle profite de l’effet synergétique de l’hyperthermie (41°C) qui en soi peut être oncolytique, qui augmente l’efficacité antitumorale et la profondeur de pénétration de la drogue. Elle permet également de résoudre le problème des adhérences comme elle est appliqué à la suite d’un cytoréduction méticuleuse qui a pour but de libérer toutes les adhérences et de ne laisser derrière aucun foyer tumoral macroscopique (CC0: cytoréduction macroscopiquement complet).
La suspension de la paroi abdominale permet l’irrigation de l’abdomen avec la chimiothérapie hyperthermique intrapéritonéale
Irrigation hyperthermique de l’abdomen par une machine à circulation extracorporelle par des drains ‘IN’ et ‘OUT’.
Depuis une dizaine d’années, le traitement par cytoréduction et HIPEC est devenu le traitement standard pour la carcinomatose péritonéale d’origine colorectale, pour le pseudomyxome et pour le mésothéliome péritonéal sur base d’études qui ont démontré une nette amélioration de la survie. L’application du HIPEC pour le cancer de l’ovaire a pris du retard par rapport à son application pour d’autres tumeurs, faute d’études randomisées. Cela a changé tout récemment par la publication en décembre 2014 de la première étude randomisé sur le HIPEC dans les récidives du cancer de l’ovaire par Spiliotis. Cette étude sur 120 patientes a démontré une augmentation significative de la survie moyenne (26.7 versus 13.4 mois) et de la survie à 3 ans (75 % versus 18 %) pour le groupe cytoréduction plus HIPEC versus cytoréduction seule (+ chimiothérapie intraveineuse dans les 2 groupes). Une étude française multicentrique par Classe en 2015 a démontré une survie à 5 ans de 38% après HIPEC pour récidive de cancer de l’ovaire au prix d’une mortalité de 1% et d’une morbidité de 31%. De multiples autres études randomisées sont en cours sur l’application du HIPEC à d’autres stades de la maladie: de premier abord, lors d’un débulking d’intervalle, comme consolidation, lors d’un débulking secondaire. Les résultats sont attendus avec impatience.
Dr Stefaan Mulier
Le Dr Stefaan Mulier qui applique la technique de la HIPEC depuis 2000 l’a introduite au CHIREC en 2008 sur le site de la Clinique du Parc Léopold. La technique a pu se développer avec succès grâce à une excellente collaboration multidisciplinaire médicale et paramédicale.
En mai 2015, cette collaboration agréable a été officialisée par la fondation de la Clinique du Cancer du Péritoine sous les auspices du CHIREC Cancer Institute. Elle rassemble tous les intervenants médicaux et paramédicaux du HIPEC en pré-, per- et post-opératoire.
Elle se réunit régulièrement pour des formations sur les dernières nouvelles scientifiques et pour échanger des expériences. Elle a édité une brochure informative pour les patients HIPEC. L’infirmière coordinatrice oncologique organise la ‘consultation HIPEC’ qui se tient environs 1 mois avant l’intervention. Le patient y rencontre 14 (!) intervenants en 2 après-midis. Dès cette consultation le patient sera préparé physiquement (kiné), psychologiquement (psychologue) et au niveau nutritionnel (diététicienne) pour être en forme optimale au moment où il subit le HIPEC. Ce concept unique de ‘préhabilitation’ permet de diminuer les risques de complications grâce à une meilleure préparation du patient. L’équipe HIPEC soutient le patient tout au long de l’hospitalisation et continue à le suivre après son retour à domicile jusqu’à ce qu’il a retrouvé son ancien ‘équilibre’ préopératoire. Les patients HIPEC sont unanimes dans leur forte appréciation de l’équipe HIPEC qui les guide et les accompagne de façon admirable à travers cette épisode difficile dans leur maladie.
> Les 7èmes Rencontres du Chirec Cancer Institute (CCI) auront lieu le 22 octobre 2016 au Chalet Robinson à Bruxelles. Le thème de cette année portera sur « le cancer colorectal : du dépistage au traitement de la maladie métastatique ».